PRATIQUES COLLECTIVES ET FONCTIONNEMENTS
L’ensemble des Espace Santé Jeunes ont dû suspendre les actions collectives en raison de la fermeture des structures accueillant les groupes (établissements scolaires, missions locales ...) et de leur propre fermeture. Le PAEJ d’Aix en Provence a cependant pu maintenir une action collective auprès d’un group de Mineurs Non Accompagnés, en utilisant la visioconférence. Afin de maintenir un lien avec les jeunes en dépit du contexte de pandémie et de confinement, plusieurs ESJ ont utilisé les réseaux sociaux pour relayer des informations ainsi que des articles sur le thème de la santé, notamment psychique.
Dès le déconfinement, les ESJ ont essayé de faire redémarrer certaines actions collectives, sous des formes adaptées aux recommandations sanitaires et aux problématiques qu’ont pu rencontrer les jeunes pendant le confinement. L’ensemble des ESJ se sont accordés sur le fait que les actions de prévention n’avaient pas pu reprendre dans les établissements scolaires. Seul l’ESJ 37 a pu mettre en place une action de prévention dans un collège, sur le thème du COVID et sous la forme d’un groupe de parole. En revanche, d’autres actions ont pu reprendre ou étaient en préparation. L’ESJ d’Aubagne a quant à lui pu proposer de nouveau des visites médicales. Les ateliers auprès des bénéficiaires de la Garantie jeune ont repris eux aussi dans plusieurs régions, en partenariat avec les missions locales (en fonction des possibilités offertes par les locaux et en petit groupe si nécessaire). À Cannes, les actions de prévention ont repris auprès des jeunes de l’ASE pour évoquer diverses problématiques liées en lien avec la période de confinement.
Diverses idées ont également été émises pour préparer “l’après”. L’ESJ de Cannes a évoqué le potentiel décrochage de certains élèves (de quatrième notamment) et a émis des idées pour pallier celui-ci (mise en place de groupes de parole, d’actions sur le thème de la scolarité…) Ont également été évoquées les angoisses exprimées par les personnels enseignants et le caractère potentiellement “contagieux” de celles-ci pour les élèves ; la question a été posée de la façon dont prendre ces angoisses en compte tout en évitant d’en susciter chez les jeunes.
Toujours dans la perspective de “l’après-COVID”, les ESJ ont pris différentes initiatives à l’approche des vacances d’été. Parmi les différentes mesures présentées nous avons noté une présence renforcée des équipes, un roulement des congés pour maintenir l’activité en Juillet et en Août, mais aussi une éventuelle compensation de certaines actions n’ayant pas pu être menées en raison du contexte sanitaire.
Pratiques individuelles
L’accueil téléphonique a été maintenu dans l’ensemble des Espace Santé Jeunes, en prenant soin de garantir le respect des principes de confidentialité, et en s’élargissant parfois à d’autres publics. Certains ESJ comme celui de Nanterre ont également fait partie d’une cellule d’écoute mise en place par la municipalité. Concernant l’activité d’écoute à destination des jeunes, les accueillant·e·s évoquent un dispositif sollicité majoritairement par des personnes déjà connues de la structure et mettent en avant le caractère facilitateur d’une prise de rendez-vous préalable. Les rendez-vous téléphoniques ont très bien fonctionné pour maintenir les suivis et la possibilité était offerte aux usagers d’appeler entre les rendez-vous. En complément de l’accueil téléphonique, l’ESJ d’Issy-les-Moulineaux a également reçu des jeunes en visioconférence sur la plateforme Doctolib. A Reims l’Espace Santé Jeunes a accompagné la Mission Locale pour que certains jeunes puissent être orientés vers l’ESJ. A Lyon, l’équipe a également assuré des permanences dans le cadre du dispositif Promeneurs du Net. A Nanterre, les consultations diététiques ont été maintenues, en visioconférence. A Courbevoie, l’activité d’écoute a été limitée, une seule écoutante se trouvant en télétravail.
Certaines situations ont pu nécessiter une intervention en présentiel, pour effectuer un test de grossesse ou bien pour répondre à une situation de violences.
RESSENTIS ET VÉCU DES PROFESSIONNEL·LE·S
Concernant les actions collectives réalisées pendant le confinement
Si l’animation de groupes de parole à distance a permis de poursuivre l’activité de façon “sécurisée” pendant la période de confinement, elle présente néanmoins certaines limites. En effet, l’impossibilité pour la personne en charge de l’animation de prévenir d’éventuels débordements (puisque pas sur place) peut nécessiter la présence d’un autre adulte qui elle-même peut impacter la parole des jeunes.
Concernant l’écoute individuelle
Le contact avec certains jeunes bénéficiaires de l’écoute téléphonique a été perdu et certains suivis ont été difficiles à maintenir. Les écoutant·e·s ont évoqué le développement de phobie scolaire chez certains jeunes mais aussi le fait que la problématique de séparation s’est trouvée apaisée chez certains d’entre eux. Certains professionnel·le·s évoquent une majorité de jeunes allant globalement bien et quelques jeunes dont les fragilités ont pu être exacerbées par la situation.
Les professionnels eux-mêmes ont connu certaines difficultés pendant cette période particulière. Le confinement a suscité de la sidération chez certains d’entre eux et a également généré quelques difficultés de positionnement. La demande était parfois “inversée” (les professionnels devaient solliciter les jeunes) ; dans d’autres cas, les jeunes devaient appeler eux-mêmes à l’heure du rendez-vous. La question de la confidentialité dans le cadre de ces rendez-vous téléphoniques a été soulevée par certains jeunes.
Du point de vue de l’organisation du travail, les professionnel·le·s ont mentionné un temps d’adaptation nécessaire pour mettre en place de nouvelles modalités de travail. Ils ont également évoqué certaines difficultés pratiques (remaniement régulier des plannings pour les professionnel·le·s ; difficulté pour certains jeunes de s’isoler pour téléphoner ...) liés au changement du lieu d’écoute. Il leur a aussi été difficile, parfois, de gérer la confidentialité et l’intimité du fait de la délocalisation de l’écoute à leur domicile et de séparer, pour cette même raison, les sphères professionnelle et privée. Ont également été soulevées la difficulté à investir les suivis de la même manière qu’habituellement et la question de la clinique “masquée” au sortir du confinement : comment accueillir de nouveau les jeunes avec un masque, une visière ? Se projeter est apparu difficile mais réalisable.
PRATIQUES INSPIRANTES
Créativité des professionnel·le·s et outils numériques
Les outils numériques ont été d’une grande aide pour maintenir une partie de l’activité de prévention. Les réseaux sociaux ont été mobilisés de façon importante par plusieurs espace santé jeunes pour communiquer des informations sanitaires mais aussi pour relayer des contenus thématiques liés à la santé, notamment psychique. Facebook et Instagram ont ainsi permis de maintenir le lien avec certains jeunes et apparaissent comme des moyens de communication à développer. La période de confinement a servi de “déclencheur” dans certains ESJ pour ouvrir une page Facebook ou créer de nouveaux supports de communication. A Aubagne, l’Espace Santé Jeunes a travaillé de concert avec le CODEPS 13 pour rédiger un magazine (Le petit déconfiné) à destination des 11-13 ans et proposer dans celui-ci divers articles et tutoriels (comment fabriquer du savon, comment fabriquer un masque, comment bien dormir ...)
Accessibilité de l’écoute
La visioconférence, qui s’est avérée très utile pendant la période de confinement, est également évoquée comme un moyen de se rendre accessible pour des jeunes dans l’incapacité de se déplacer, très éloignés des structures ou n’osant pas faire la démarche de se rendre sur place. Les professionnels ont évoqué la nécessité de développer des réseaux privilégiés, notamment à destination des Mineurs Non-Accompagnés, et de maintenir l’écoute téléphonique pour les adolescents. Certains ados ont d’ailleurs fait part de leur refus de revenir en présentiel.
CONCLUSION
La réunion s’est terminée par un échange sur les perspectives de travail et de rencontre entre les différents Espaces Santé Jeunes. Les participant·e·s ont émis le souhait de se rencontrer plus souvent au cours de l’année, notamment par visioconférence. Ils ont aussi fait état d’un besoin d’organiser plus régulièrement des ateliers et des moments d’échange de pratique entre les différentes professions afin de clarifier les postures et les missions respectives. A aussi été évoqué la possibilité de travailler de concert par l’intermédiaire de la visioconférence et de plateformes de partage de documents telles que celles utilisées pour mener la présente réunion (Zoom, Google Drive ...) L’exploitation des outils numériques en interne est également apparue comme quelque chose à développer ; ceux-ci ont en effet été indispensable pour permettre la continuité du travail en équipe.
Enfin, une question a émergé lors de ces discussions : comment protéger la philosophie des Espaces Santé Jeunes pendant des périodes comme celle que nous venons de connaître ?